Ma chère grammaire, c’est avec le cœur en pleurs que je t’écris cette lettre. Toi et moi on se connait tellement depuis longtemps que je ne sais plus depuis quand. Quand j’ai fait ta connaissance, j’ai tout de suite eu le béguin pour toi. J’ai juré de passer ma vie à tes côtés. Surtout la française.
Elle a été ma préférée. Elle me plaisait quand elle me disait, tout petit, qu’une phrase commence toujours par une lettre majuscule et se termine par un point. J’adorais quand elle me faisait comprendre que le participe passé avec le verbe « être » s’accorde en genre et en nombre avec le sujet et que celui avec le verbe « avoir » s’accorde avec le C.O.D si celui-ci est placé devant le verbe.
J’aimais bien l’entendre me parler d’attribut avec les verbes être, paraître, sembler, demeurer, rester, devenir, avoir l’air, de complément circonstantiel de lieu et de temps, de phrases déclarative, interrogative, impérative, exclamative, de noms composés, d’adjectifs démonstratif, possessif, interrogatif, exclamatif, indéfini, numéral et qualificatif, de pronoms, etc. Tout ça, ma chère grammaire adorée, c’est le bon vieux temps.
J’aurais aimé que nous parlions dans d’autres circonstances. Je suis bien triste de devoir t’affronter pour te révéler ça, mais je le dois. Ma grammaire adorée, tu vas mourir. Et ce sont les gens de cette génération qui vont te tuer. Ils sont cruels. Et surtout les jeunes qui se vantent de bénéficier de la technologie et utilisent Facebook, Twitter, WhatsApp, Instagram, et autres. Ils ne connaissent pas tes origines. Ils s’en foutent d’ailleurs. Comme ils se foutent de ta gueule. Pour eux, tout ce qui importe, c’est communiquer. Peut importe comment. Ils critiquent les politiciens qui veulent devenir riches peut importe les moyens utilisés, alors que ce qu’ils font est tout aussi abominable.
Ils sont en train de t’assassiner, grammaire chérie. Ils inventent leurs propres règles. Comme par exemple qu’on ne commet pas de fautes d’ortographes en écrivant un nom propre, ou un SMS. Ils ne commencent jamais leurs messages par une lettre majuscule, ils ne mettent aucune signe de ponctuation. Au cas où tu ne le savais pas, la virgule n’existe presque plus quand ils échangent des textos.
Le point-virgule, les points, ls traits d’union aussi. Au lieu d’écrire Karl Max, ils écrivent karl max, comme s’il s’agissait d’une vilaine chose trouvée sur un chemin boueux. vs avé + mn pòt ( Vous avez quoi mon pote ? ), jtm bcp ma cherie ( Je t’aime beaucoup ma chérie. ), kès keu tu fè ( Qu’est-ce que tu fais ? ). Tu vois ce que j’essaie de te montrer ? C’est un charabia.
Il n’y a pas de point, pas de majuscule, et pas d’accent aussi. Ils oublient que les accents sont importants. Sinon comment pourrait-on distinguer a ( 3ème personne du verbe avoir ) de à ( préposition ). Ou encore des ( article ) de dès ( préposition ). Ils ne respectent presque pas le temps des verbes. Ils n’ont pas honte d’écrire : hier, je fais ça; 2min je vois jacqueline; ou il faut que la guerre continuera. Tout ça me donne mal au crâne.
Les exemples sont nombreux, ma chère grammaire. Et ces assassins sans cœur sont les premiers à se montrer quand il s’agit de faire une publication en français. Ce sont des iditos de première classe.
Je ne sais pas ce que tu vas faire, ma chère grammaire, mais moi je vais te protéger contre ces bourreaux. Je te le promets. En passant, avertis tes sœurs, surtout l’anglaise, car certaines menaces pèsent contre elles. L’autre jour, je suis tombé sur un "thx" ( Thanx ) que quelqu’un a écrit.
On en reparlera ma grammaire adorée. Malgré tout, souviens-toi qu’ils y certaines personnes qui t’aiment.
King-Berdji Estiverne